jeudi 31 janvier 2008

Lu et approuvé / Alex Garland


Tesseract, Alex Garland


Ca s’engage assez mal avec un titre pareil : Tesseract. Ce n’est même pas dans le dictionnaire ! Heureusement, la 4e de couverture nous renseigne : le tesseract est une composition géométrique complexe, dérivée de l’hypercube. L’auteur livre son explication dans le roman mais elle pourrait bien vous donner mal à la tête : « Prends six cubes et arrange-les en croix. Ajoutes-en deux et dispose-les de part et d’autre de cette croix au point d’intersection. A présent, tu as un tesseract. Un tesseract est un objet en trois dimensions. C’est aussi un objet en quatre dimensions, un hypercube, une fois développé. »
Aïe, on serait tombé sur un os, un os du genre essai mathématique ? Non, Tesseract est un thriller hors du commun très bien ficelé, mathématiquement bien ficelé si l’on peut dire. D’une précision implacable ! Dans une traque haletante se croisent et se recroisent des vies aussi différentes que celle d’un marin anglais racketté par un mafieux philippin, une mère de famille consciencieuse assaillie par les souvenirs de son premier amour, de deux gamins des rues vendant leurs rêves à un étrange psychologue.
Cette course-poursuite, style boules à facettes, qui réfléchit autant d’histoires que de personnages se rejoint au final pour former une… « composition narrative complexe », une sorte de tesseract quoi ! Malgré la difficulté apparente, nous aurons lu ce roman aussi vite que le pourchassé court dans les rues de Manille, nous aurons sué de sueurs froides avec lui dans un hôtel miteux et butté comme lui sur les nids de poule dans des ruelles tortueuses. « On ne courait pas à toute allure le long des rues sombres de Manille à moins d’être un spécialiste ou de ne pas avoir le choix », prévient Alex Garland.

L’info en plus : Alex Garland est un écrivain britannique qui a rencontré le succès avec son premier roman La Plage. Richard se retrouve dans une chambre -encore minable et étouffante- à Bangkok avec une carte indiquant une plage mythique, de celle que tout le monde rêve de fouler sauf s’il y a des narcotrafiquants dessus…Adapté au cinéma par Danny Boyle, le film au casting impressionnant (Leonardo Di Caprio, Virginie Ledoyen, Guillaume Canet) est loin d’être aussi percutant et haletant que le livre.

mardi 29 janvier 2008

M'as-tu lu?


"Le nucléaire, même civil, est tout sauf halal"
de Akram Belkaïd, Le quotidien d'Oran
A propos de la vente de réacteurs nucléaires par la France à de nombreux pays arabes


http://www.bakchich.info/article2456.html

lundi 28 janvier 2008

Vu et approuvé / Samuel Van Hoogstraten


Les pantoufles,
Samuel Van Hoogstraten (1654-1662, Louvre)


Circulez, y a rien à voir ! A part une enfilade de portes d’un intérieur hollandais. Certes, on apprécie la mise en abyme, le travail de perspective mais pas de quoi fouetter un chat. En y regardant de plus près, on s’étonne du balai tout de traviole dans la première pièce alors que le damier est parfaitement géométrique et les lignes parfaitement symétriques. Puis l’on découvre ces fameuses pantoufles abandonnées sur le pas de la porte, dans la lumière de la deuxième pièce qui les éclaire comme un projecteur. Des clés encore tremblantes dans la serrure, une nappe toute fripée, un bout de chandelle éteint à la vite, un livre posé n’importe comment sur une table à une époque (XVIIe) où on ne le fait pas : pourquoi tant de négligence ? Pourquoi tant de précipitation ? Il paraît et apparaît que les objets de ce tableau son essentiellement féminins et domestiques : le balai (c’était pas encore la révolution des sexes) le trousseau de clé (la femme était la gardienne du foyer), le livre (occupation futile de femme oisive ?), ce qui attesterait de la présence d’une femme.
La réponse à nos questions pourrait se trouver dans le tableau du fond qui représente une femme près d’un lit et d’un tabouret parlant à on ne sait qui. Ce mystère enflamme nos imaginations et on se dit que si l’action ou la chose est cachée, c’est qu’elle est péchée. Et qu’il y aurait peut-être bien un amant derrière cette porte…


L’info en plus : Le tableau dans le tableau est en fait une variante d’une œuvre existante, peinte par Gerard ter Borch, connu sous le nom d’ Admonestation paternelle. Et qu’a fait la demoiselle pour se faire remonter les bretelles ? Des choses pas très catholiques sans doute puisque ce tableau dénonce l’amour vénal.

samedi 26 janvier 2008

Lu et approuvé / Jean-Marie Cavada

Une marche dans le siècle,
Jean-Marie Cavada

Ca serait presque un roman d’apprentissage à la Bel-Ami même si le récit de l’enfance lorgne plutôt du côté de chez Cosette : notre jeune héros est orphelin de naissance et confié à une famille de rustres vosgienne. Mais assoiffé de lectures et de savoirs, chaperonné par des maîtres bienveillants de l’école de la République, happé par la passion du journalisme, Jean-Marie Cavada commence une ascension sociale fulgurante. Il monte, il monte, il monte. Dans la capitale parce que le jeune homme a de l’ambition et veut intégrer une rédaction nationale. Il monte, il monte, il monte. Dans la hiérarchie : journaliste spécialiste des affaires européenne à France Inter, présentateur du journal de 20 heures, directeur de l’information sur FR3, puis TF1, puis Antenne 2, producteur et présentateur de la Marche du siècle, président de la Cinquième, de RFO puis de Radio France. On apprend beaucoup sur le jeu de chaises musicales pratiqué par le pouvoir en place qui n’a malheureusement pas cessé avec la fin de l’ORTF. On sent un homme passionné par son métier et soucieux de la qualité des programmes. On comprend pourquoi Jean-Marie Cavada s’est engagé dans la politique pour les élections européennes, lui qui enfant a assisté à une fusillade pendant la Seconde guerre mondiale et qui croit à une Europe unie pour éviter la guerre. Mais c’est là où le bât blesse, Jean-MarieCavada abandonne sa veste de journaliste pour revêtir celle du député en campagne qui défend son bilan. A l’entendre, tout est tellement mieux après son passage même si l’une des plus grandes grèves de Radio France a eu lieu sous sa présidence…Il n’est peut-être pas homme à compter ses échecs. Moi, j’en vois au moins un dans ce livre : une autobiographie fourre-tout qui mêle des rencontres avec des hommes politiques, des cours d’histoire sur la construction de l’Europe, sa vision du service public, j’en passe et des pires… Difficile d’accrocher à tout.

L’info en plus : Jean-Marie Cavada a démissionné de son poste de président des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen pour se lancer dans la bataille des municipales dans le XIIe arrondissement de Paris sur la liste conduite par l’UMP ; un ralliement orchestré par Nicolas Sarkozy en personne. Il fait ainsi faux bond à son ami François Bayrou qui l’avait propulsé comme tête de liste UDF dans le grand Ouest pour les élections européennes de 2004. Il enfonce le clou en créant Avenir démocrate, un « forum d’action politique » avec des anciens membres du Modem.

jeudi 24 janvier 2008

Lu et approuvé / Simone de Beauvoir

Mémoires d’une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir

Simone de Beauvoir a été partout dans les médias en ce mois de janvier parce qu’elle est née à quatre heures du matin le 9 janvier 1908, dans une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait sur le boulevard Raspail.
C’est donc le bon mo
ment pour se plonger dans sa biographie qui démarre avec Mémoires d’une jeune fille rangée et suivis de La force de l’âge, La force des choses, Tout compte fait et Une mort très douce. Ce premier volume passionnant relate l’enfance, l’adolescence et l’envol du cocon familial d’une jeune fille coincée dans un carcan bourgeois et catholique où l’on censure des passages entiers des livres, où l’on ouvre le courrier des demoiselles et où on leur choisit un avenir convenable. On a beau être une femme de caractère et assoiffée de liberté, on ne se débarrasse pas de son milieu et de son éducation comme ça. Dès l’enfance, Simone de Beauvoir entrouvre la porte d’une autre vérité avec Noël : « Je trouvai incongru que le tout-puissant petit Jésus s’amusât à descendre dans les cheminées comme un vulgaire ramoneur. Je remuai longtemps la question dans ma tête, et je finis par m’en ouvrir à mes parents qui passèrent aux aveux. Ce qui me stupéfia, ce fut d’avoir cru si solidement une chose qui n’était pas vraie, c’est qu’il pût y avoir des certitudes fausses. » Elle la referme à l’adolescence quand elle cesse de croire en Dieu : « Depuis longtemps, l’idée que je me faisais de lui s’était épurée, sublimée, au point qu’il avait perdu tout visage, tout lien concret avec la terre et de fil en aiguille l’être même. Sa perfection excluait sa réalité.»
Elle se défait plus difficilement de sa pudibonderie et de sa chasteté se définissant elle-même comme une « oie blanche ». Elle pense à se marier avec son cousin Jacques jusqu’à ce qu’elle découvre une autre vie dans les bars parisiens où elle s’enivre et dans les débats intellectuels qu’elle a avec ses camarades. Et il y a la fameuse rencontre qui va tout changer, celle avec Jean-Paul Sartre : « Voilà que je rencontrais quelqu’un aux yeux de qui mes frénésies paraissaient timides. Et en effet, si je me comparais à lui, quelle tiédeur dans mes fièvres ! Je m’étais crue exceptionnelle parce que ne concevais pas de vivre sans écrire : il ne vivait que pour écrire. »
Simone de Beauvoir avait cependant deux certitudes : qu’elle consacrerait sa vie à l’écriture et qu’elle était l’égale des hommes. Avoir des enfants, faire le ménage, très peu pour elle. Etre une pionnière, être reconnue, ça lui allait mieux. Et il y a cent ans, c’était terriblement anticonformiste.

L'info en plus : Le Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes vient d'être créé à l'occasion du centenaire de sa naissance. Doté de 20 000 euros, il a récompensé deux femmes. La première est la romancière bangladaise Taslima Nasreen, menacée de mort par des islamistes à la suite de la publication de son premier roman Lajja (La Honte), qui dénonce l’oppression dans laquelle vit la communauté indoue au Bangladesh. Elle pourrait recevoir son prix des mains de Nicolas Sarkozy. La seconde est l 'ancienne députée hollandaise Ayaan Hisri Ali, qui a fait voté une loi contre l'excision dont elle a été victime et qui combat le cléricalisme tel "un Voltaire noir". Menacée de mort elle aussi, elle s'est exilée aux Etats-Unis.