jeudi 16 juillet 2009

Lu et approuvé/Alice aux pays des merveilles


Alice au pays des merveilles
De l'autre côté du miroir,
Lewis Carroll


Passée le stade de l’enfance où tout nous semble possible, la lecture d’Alice aux pays des merveilles et De l'autre côté du miroir nous donne à croire que Lewis Carroll était sous l’influence de psychotropes tant ces histoires n’ont ni queue ni tête. En réalité, il a débité son récit du fil de l’eau, au cours de promenades en barque avec les sœurs Liddell où se trouvait une certaine Alice…La fillette le supplia alors d’écrire un livre sur les aventures qui lui contait ; et c’est ainsi qu’est né le chef d’œuvre de Lewis Carroll. Dans Alice au pays des merveilles, la filette s’ennuie profondément quand elle voit passer un lapin blanc pressé, qui s’inquiète d’être « en retard, en retard, en retard… » Elle le suit dans son terrier et tombe dans un trou sans fond…Son point de chute ? Un monde merveilleux où les animaux sont doués de paroles et ont des comportements très étranges. Alice, petite fille curieuse et pleine de bon sens, bien éduquée et fière de ses connaissances, est démunie face à un monde absurde, régie par des règles aléatoires. Quand elle tente de réciter une poésie, les mots sortent de sa bouche tout différemment, l’occasion pour Caroll de parodier des poèmes et contines très connus à son époque. Quand elle boit ou mange, elle rétrécit ou grandit, à tel point qu’elle ne finit pas plus savoir qui elle est. En pleine crise d’identité, Alice reste néanmoins polie avec les personnages qu’elles rencontrent, car elles n’aiment pas être prise à défaut. Mais son esprit de contradiction agace ses interlocuteurs qui n’hésitent pas à la remettre à sa place. De l'autre côté du miroir reprend les mêmes ingrédients, sauf qu’Alice est cette fois-ci invitée à une immense partie d’échec et chaque fois qu’elle change de case, elle entre dans un nouveau monde. L’espace et le temps y sont deux notions très différentes de ce que nous connaissons. Le langage et la mémoire aussi : Alice est confrontée à des linguistes qui la laisse pantoise, pendant que le lecteur s'ingénie à trouver la faille... Dans chaque cas, la fillette se réveille, encore tout émerveillée de ces rêves. Dans chaque cas, le lecteur en sort perturbé, se demandant pourquoi l’auteur l'a convié à une telle farce.

L'info en plus : Alice aux pays des merveilles va être adapté au cinéma par Tim Burton. Sortie prévue en 2010.

mercredi 15 juillet 2009

Lu et approuvé/Danseur


Danseur,
Colum McCann

Il est rare de rencontrer un auteur comme Colum MacCann qui, s’il se met à parler de la neige qui tombe en Russie, nous procure un frisson glaçant alors qu’on est assis bien au chaud dans notre lit. Par une écriture limpide et le verbe facile, il nous transporte là où il veut.
J’avais ressenti la même chose en lisant Le Chant du coyote, où l’auteur nous baladait des terres arides du Mexique aux contrées humides de l’Irlande pour raconter l’histoire d’un père et d’un fils qui s’étaient « déliés » au fil du temps. Danseur évoque lui aussi des liens familiaux douloureux, cassés net par un exil à l’Ouest d’un homme de l’Est qui veut faire une belle carrière. Et quelle carrière puisqu’il s’agit de Rudolf Noureïev !
Mais le livre n’est pas une biographie : la frontière entre réalité et friction est trop poreuse. Colum McCann invente des personnages comme les parents, la sœur, le premier professeur de danse, les amis, les serviteurs, les amant(e)s ... Mais il intègre aussi des personnages de la jet set internationale bien réels comme Andy Warhol ou Mick Jagger.

Il zigzague à l’Est et à l’Ouest, toujours entre deux mondes, l’un fait de privation, de rationnement et d’oppression, l’autre fait d’excès, de paillette et d’argent. Paradoxalement, les personnages secondaires sont presque plus intéréssants que le héros, ou plutôt l'anti-héros, tant il révèle des facettes peu reluisantes.
L’ascension sociale de Noureïev est vertigineuse : on le découvre enfant, pendant la Seconde Guerre mondiale, qui fait le tour des chambres d’un hôpital russe pour divertir les gueules cassées. On le retrouve à l’apogée de sa carrière, star caractérielle et démente, claquant la vie aussi vite que son fric. Un destin qui méritait bien une si grande plume.


lundi 13 juillet 2009

Vu et approuvé/Blur

Blur,
Hyde Park


Un concert de Blur à Hyde Park, à domicile presque, a forcément un parfum particulier…celui de la bière. Nos amis anglo-saxons, même s’ils ont de nombreuses qualités, ne sont pas réputés pour leur raffinement. Et cela se confirme très vite : après avoir vidé quantité de leur boisson favorite, sous le soleil exactement, ils participent à des coutumes pour le moins surprenantes : le lancer de bouteilles sur toutes les têtes qui dépassent de la foule, comprenez tous les malheureux qui montent sur les épaules de leurs amis. Il faut dire qu’il faut ménager la vue des 55 000 personnes présentes, même si les écrans géants sont dans cette occasion d’un agréable recours.
Entre deux gouttes de bière, à défaut de pluie, tâchons de s’intéresser au concert en lui-même. Les débuts sont pour le moins prometteurs avec She’s so high, suivi de Girls and Boys qui ont le grand mérite de sortir un Anglais fortement alcoolisé de sa torpeur…S’enchaînent les premières chansons du groupe : There’s no other way, Tracy Jacks, Jubilee, Badhead, repris en cœur par un public connaisseur. A partir de Beetlebum s’instaure une atmosphère plus feutrée : Out of time, seul chanson du dernier album chantée, et Coffee&TV, œuvre de Graham Coxon, inspire aussi à plus de retenue.
Mais voilà, il suffit d’un hymne, Tender, pour relancer la machine : les chœurs des fans suffisent au morceau d’ordinaire joué en gospel. Country house emballe le parterre. Et que dire de l’arrivée de Phil Daniels qui, aux dernières nouvelles, s’était juré de ne plus remonter sur scène pour chanter Parklife et qui déboule pour entonner les premières notes de cette chanson mythique. N’ayons pas peur des mots ! Car si Blur a réussi à prouver quelque chose avec ce retour après 10 ans d’absence, c’est qu’il a marqué la génération des années 90 avec sa brit-pop. Et qu’il est capable de faire pogoter une foule asphyxiée par la chaleur avec un tube comme Song 2, remixé par la suite par les plus grands DJ.
Damon Albarn et Graham Coxon, complices comme au premier jour, ont visiblement pris du plaisir, le premier en courant dans tous les sens, le second en se laissant tomber sur le dos pour gratter sa guitare. Alex James et Dave Rowntree étaient plus en retrait comme à leur habitude, mais néanmoins tout sourire. Mais le public a compensé leur relative inertie en s’époumonant pendant deux heures et sautillant jusqu’à perdre pied. C’était un jour de ferveur sans prêche, si ce n’est louer que "the modern life is rubbish"...