mercredi 21 juillet 2010

Lu et approuvé/L'orgie

L'Orgie,
John Fante


L'orgie ou comment offrir une mine en cadeau à un poseur de brique se transforme en ivresse et orgie le jour du Seigneur? John Fante n'a pas son pareil pour nous raconter une petite histoire pleine d'ironie et de cynisme. Histoire encore plus détonnante quand on sait qu'elle est racontée par le fils du poseur de brique, âgé d'une dizaine d'années. C'est un coup à vous faire perdre votre candeur et sans doute John Fante l'a perdue très tôt.



Suivi de 1933 fut une mauvaise année


Il suffit de lire les titres de 1933 fut une mauvaise année pour comprendre le ton de ce court roman :

Première partie : Les Joies du Poseur de Briques.
Deuxième partie : Un Métier Exaltant : Le Commerce du Bois.
Troisième partie : Comment Laisser Votre Père Bousiller Votre Vie.
Quatrième partie : Ci-Gît Dominic Molise, Fils Obéissant.

Dominic Molise est un fils d'immigré italien. Son père est poseur de brique et joueur de cartes, sa mère accepte avec fatalité son sort de pauvre mama au foyer, sa grand-mère croyante et acariâtre voit partout le démon dans la modernité de l'Amérique...
Dominic a un ami, Kenny, qui vient d'un milieu social plus favorisé, et s'amourache de sa soeur à qui il tentera de voler maladroitement une petite culotte...Dominic a aussi un bras, "le bras", celui qui lance la balle de base-ball avec force et qui lui permettra un jour d'intégrer un grand club, il en est sûr... Mais son père a d'autres plans pour lui : poser des briques puis se lancer dans le commerce du bois. Elle est pas belle la vie? Amour, amitié, intégrité, trahison, désenchantement...toutes les recettes d'un grand roman dans un court.

Lu et approuvé/ La vallée de la peur

La Vallée de la peur,
Conan Doyle



Etant une lectrice férue des Sherlock Holmes lorsque j'avais 12 ans, je me suis demandée l'effet que cela me ferait de me replonger dans les aventures du célèbre détective privé 15 ans après. Je l'y retrouve comme dans mon souvenir : dans sa robe de chambre, confortablement installé dans son fauteuil, devisant avec ce cher Watson qui met toujours autant de temps à comprendre où il veut en venir...

Aujourd'hui, je trouve les ficelles un peu grosses tant les déductions de Holmes me paraissent plutôt tenir de la voyance que de l'intuition. Mais je trouve aussi un charme désuet dans cette enquête et ces personnages forcèment hors-du-temps (pas de police scientifique, de médecin légiste...). Mais il reste l'essentiel : des rebondissements, du suspens!

Ce roman est fort intéressant car on a le droit a deux histoires pour le prix d'une. Tout d'abord, l'enquête sur le meurtre d'un certain Douglas, dans la campagne profonde anglaise, qui est retrouvé mort la tête éclatée par un tir de Winchester. Il a un curieux tatouage sur le bras et il lui manque son alliance...

Puis, une fois ce meurtre élucidé, nous partons sur les traces du passé de ce Douglas, qui se présentait sous le nom de Mc Cludo dans la Vallée de la peur, dans une Amérique sans foi ni loi. Conan Doyle n'a vraissemblablement pas peur des clichés, décrivant une ambiance de western avec des mines et des tavernes, mais aussi une ambiance de gangster avec des assassinats en pagaille. Le tout, sur fond de franc-maconnerie.

Evidemment, le lecteur s'amusera à chercher le lien entre les deux histoires et surtout le but recherché par Conan Doyle. Bien malin celui qui trouvera la solution car l'auteur s'amuse à nous mener en bateau.

mardi 6 juillet 2010

Lu et approuvé/L'education européenne

Education européenne,
Romain Gary



En 1942, en Pologne, un médecin cache son fils Janek dans la forêt avec une ration de pomme de terre pour survivre. Au bout de quelques jours, Janek est obligé de sortir de son trou et découvre alors que la forêt est pleine de vie et surtout de "partisans" qui luttent contre l'ennemi allemand. Il n'est plus seul mais a toujours aussi froid, aussi faim et aussi peur. Il découvre ce qu'est la fraternité, la solidarité mais aussi la folie. Il trouve refuge dans l'art et dans l'amour, qui atténue un peu la noirceur et la cruauté de la guerre.



Romain Gary brosse des portraits réalistes, tout en nuance, que ce soit du côté des tortionnaires, des victimes, des collaborateurs, des soldats, des résistants, des habitants indifférents, des habitants zélés, des pauvres types, des personnages légendaires...Les méchants peuvent se transformer en gentils et les gentils en méchants, sans que cela soit aussi simple que je viens de l'énoncer. Rien n'est gratuit et facile dans ce roman, tout est admirablement pensé.



Et puis, il y a ce souffle humanisme qui parcourt tout ce roman, notamment avec la prose de Dobranski, étudiant communiste et idéaliste qui a foi dans un avenir meilleur et qui rêve que tous les peuples se rassemblent après cette tragédie... Ainsi, l'éducation européenne se fait dans la douleur mais comme dirait Dobranski "Les Allemands nous auront au moins donné ça!" Donner quoi? L'Union européenne par exemple.

Lu et mitigé/Zoli

Zoli
Colum McCann



J'aime beaucoup d'ordinaire les romans de Colum McCann, considéré comme l'un des meilleurs auteurs de sa génération. D'ordinaire, l'écriture y est riche et limpide...D'ordinaire, on vit son récit comme si on y était...D'ordinaire, les personnages complexes et fragiles sont passionnants. Mais l'extraordinaire se produisit : j'ai presque trouvé fastidieux de lire ce roman.

Pourtant le sujet est fort intéressant : pensez donc, Zoli, est une tzigane marquée dès sa naissance par l'originalité puisqu'on lui donne un nom d'homme, son grand-père lui apprend à lire et à écrire contre toutes les règles de la communauté...Zoli écrit et chante les poèmes des siens, et représente la femme libre et insaissisable. Mais, prise entre les traditions des tsiganes, et le mépris de la société envers sa communauté, elle ne peut vivre sa vie comme elle l'entend. Elle épouse d'ailleurs un homme qu'elle n'aime pas mais fricote avec un Anglais qui veut publier ses poèmes.

Pour tout vous dire, je n'aime pas le personnage de Zoli. On dirait qu'elle fait exprès de refuser un bonheur à portée de main. On a donc envie de lui dire : "Qu'est-ce que tu veux, bordel?" comme à une copine chiante qui ne cesserait de se plaindre. Etre une femme au milieu du XXe siècle en Slovaquie, qui plus est une tzigane répudiée par les siens, est une situation difficile à vivre...Mais la facilité et l'apathie avec laquelle elle accepte son sort a de quoi surprendre pour une femme qui est cencée être libre et rebelle comme Zoli...Trop de contradictions rendraient-elles le personnage pas assez authentique, pas assez incarnée?

samedi 3 juillet 2010

Vu et approuvé/Os Mutantes

Os Mutantes



La communauté brésilienne s'est déplacée en masse pour voir Os Mutantes au Cabaret Sauvage, pour ce qui semble être un groupe culte dans leur pays. Formé en 1966, Os Mutantes sont un peu trop facilement surnommés les "Beatles brésiliens". C'est vrai que l'on retrouve la pop du quatuor de Liverpool dans leur musique, notamment dans les harmonies vocales, mais qui peut prétendre atteindre la perfection des Beatles?

Personne et certainement pas Os Mutantes - qui ne revendiquent d'ailleurs peut-être pas ce titre -tellement leur musique est foutraque. Ne nous méprenons pas, elle est délicieusement foutraque, mélangeant des rythmes brésiliens, du rock psychédélique, de super solo de guitare, de la pop pur jus et du rock progressif.

Mais ils alternent le meilleur et le pire. Le meilleur d'abord : le groupe compterait quelques fans célèbres (Kurt Cobain, Beck, David Byrne...) Plusieurs mélodies du 1er album intitulé Os Mutantes me font penser au Violent femme, ma découverte miraculeuse de l'année 2010 (bien qu'il soit né en 1980). A vrai dire, c'est ce premier album fantastique qui m'a donné envie de les voir.Mais trop de ces chansons ont été vidées de leur côté underground et indé (peut-être à cause du changement des membres du groupe).

Le pire maintenant. On peut déjà noter leur drôle d'attirail, puisqu'ils arboraient de longues toges qui nous font penser à des troubadours du Moyen-Âge ou à des gourous d'une secte. Et musicalement, une mélodie m'a même mis sur la piste d'Annie Cordy et de sa bonne du curée, c'est dire l'infamie! Il serait en cela les dignes précurseurs de Abba ou de Sissor Sisters pour qui le kitsch, voire le mauvais goût, est une marque de fabrique.

Mais ceci fut vite oublié par un naturel, un charme, une gaité, un humour très plaisant. Une expérience inédite en somme!

Lu et mitigé/Quelqu'un d'autre

Quelqu'un d'autre,
Tonino Benacquista


Une partie de tennis entre deux inconnus peut mener loin : jusqu'à un changement radical de leur vie. Tel est le point de départ de Quelqu'un d'autre : Nicolas Gredzinski et Thierry Blin, après avoir un peu trop picolé après une partie de tennis, font le pari de changer leur vie et se donnent ainsi rendez-vous dans trois ans.

Thierry Blin décide de faire table rase du passé et de son visage, allant jusqu'à faire de la chirurgie esthétique pour disparaître de ce bas monde...Il quitte métier et compagne, pour renaître sous une autre identité, devenant le détective privé qu'il a toujours voulu être.

Nicolas Gredzinski n'a nullement l'intention de suivre ce pari, mais c'est sans compter sur l'effet délicieux que la vodka a eu sur lui, révélant le personnage qu'il a toujours rêvé d'être : sûr de lui, entreprenant, intraitable dans les affaires...Il deviendra même très riche en inventant un "leurre à bière" qui consiste à dissimuler sa canette de bière sous une canette de soda.

L'idée de départ un peu farfelu est séduisante, le scénario est bien ficelé, mais ressemble à une comédie légère. Il manque un je-ne-sais-quoi pour apporter un grain de folie supplémentaire ou au contraire pour nourrir un peu plus notre réflexion.

Il se pourrait qu'à force de lire des livres vraiment originaux, loufoques ou trash -parfois les trois en même temps, certains récits m'apparaissent du coup plus fades. Il se pourrait aussi que la lecture de ce livre, casé entre l'excellent Baron perché d'Italo Calvino et le non moins excellent L'oeil le plus bleu de Toni Morisson, ne résiste pas à la comparaison...