mercredi 18 février 2009

Lu et desapprouvé/ Le Cas Arbogast

Le cas Arbogast,
Thomas Hettche


Pour une fois que je changeais d'horizons et allais vers un auteur allemand! Ca me donne envie de retourner illico à ma chère littérature britannique et américaine, un brin fantaisiste, voire loufoque ou tout au contraire d'un réalisme poignant.
Ici, l'écriture me laisse indifférente, l'intrigue est certes intéressante mais manque d'un je ne sais quoi- un petit souffle qui nous donnerait envie de tourner les pages. A vrai dire, cela ressemble à un téléfilm de France Télévisions qui traîne en long et en large : un peu genre Derrick mis à la sauce des Experts, parce qu'il y a plein de laïus scientifique et clinique (Et qui ne sont pas très alléchantes pour qui n'aiment pas les démonstrations scientifiques).
Hans Arbogast est condamné à perpétuité pour le meurtre de Marie Gurth, une auto-stoppeuse avec qui il a eu une relation sexuelle un soir de septembre 1953. Il passe des années en prison avant que des avocats, défenseurs des droits de l'homme, médecins et scientifiques se penchent sur son cas pour essayer de le disculper. Arbogast, déformé par 14 années de prison, reste un personnage ambigüe, toujours sur le fil de rasoir. Hettche raconte bien l'univers carcéral et l'enfermement psychologique qui en découle.
Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de personnages et d'intrigues parasites dans ce roman : journaliste ou scientifique dont on ne fait qu'effleurer la personnalité, avec des liaisons naissantes qui ne mènent nul part. Quel intérêt? Aucun, si ce n'est de rallonger la sauce qui à la fin parait trop épaisse.

lundi 9 février 2009

Vu et approuvé/ De Miró à Warhol

De Miró à Warhol,
collection Berardo à Paris,
Musée du Luxembourg


Berardo est un grand entrepreneur et collectionneur portugais qui a eu droit à l'ouverture d'un musée à Lisbonne et à cette exposition au Musée du Luxembourg. Et il le mérite bien car sa collection est impressionnante, rassemblant des oeuvres provenant des courants artistiques majeurs du XXe siècle.
L'itinéraire est chronologique sauf dans la première salle qui veut résumer l'esprit de cette collection en un mot : confrontation. On retrouve ainsi un portrait de femme par Picasso à côté d'une tête de Pollock par exemple.
La seconde salle, consacrée au surréalisme, est déjà peuplée de célébrités : Magritte, Ernst (voir tableau ci-contre), Mir
ó. Puis on passe à l'abstraction de l'Entre- deux-guerres avec des figures géométriques : des carrés, des ronds, des lignes de Mondrian, Arp ou Tanguy.
On saute de quelques décennies et nous voila dans les années 60 où se confronte le nouveau réalisme français avec le bleu de Klein et le noir de Soulages au pop art américain avec la boîte de conserve de Warhol ou le collage de Wesselman.
La dernière salle est consacré aux dernières tendances du XXe avec un très beau tableau de Riopelle notamment, sorte d'image satellite d'une ville très colorée que l'on situerait aisément en Inde. Avant de sortir, l'inquiétant Portrait de Jacqueline de Schnabel marquera forcèment les esprits, sorte de mosaïque en relief réalisée avec de la vaisselle.
Et quand on sort, on regrette que cette traversée artistique du siècle soit déjà fini!

L'info en plus : Il ne reste plus que quelques jours pour visiter cette expo qui s'achève le 22 février.

lundi 2 février 2009

Lu et approuvé/ Ripley Bogle


Ripley Bogle
Robert McLiam Wilson



Entrer dans le cerveau de Ripley Bogle n'a rien d'une sinécure car le garçon est quelque peu agité, voire torturé! Bogle est Irlandais, avec un peu de sang gallois, et c'est déjà là un drame selon lui. Il est né dans une famille sans le sou, avec une bonne tripotée de frères et soeurs, avec un père alcoolique et une mère qui ne doit son nom qu'à la génétique. Son problème, c'est qu'il a une intelligence au-dessus de la moyenne, c'est un génie qui s'ignore. Quoique, on ne peut être sûr de rien avec lui parce qu'il a le verbe facile et le mensonge encore plus. Ce roman est son autobiographie bien qu'il soit encore jeune, sans doute dans la vingtaine où il nous raconte son enfance et adolescence en Irlande du Nord jusqu'à son entrée détonante dans la prestigieuse université de Cambridge. Sous forme de pièce de théâtre ou de narration classique, Ripley se met en scène. Il adore ça! Quand il en a terminé de ses digressions, il nous parle de sa vie quotidienne de SDF cultivé, mais de SDF quand même : la faim, le froid, la cigarette, la violence le guettent à chaque instant. Son esprit comme son corps vagabonde librement, usant d'un langage des plus grossiers à un des plus raffinés. C'est la contradiction Bogle dont voici un exemple : "Toute ma vie durant, les femmes ont constitué ma priorité essentielle, chacune une divine bouffée, un trou de béquille au bord de l'eau. Mes femmes, penser à elles suffit à m'égayer. J'ignore pourquoi - les femmes m'ont presque toujours chié dessus de la plus grande hauteur dont elles étaient capables." C'est provocateur, libérateur, extravagant, excessif et poilant. Bogle est un baratineur, un prétentieux qui aime s'apitoyer sur son sort, il est passé maître en l'art du dénigrement de soi. Sa personnalité et l'écriture se confondent : tous deux sont truculents.

Voici quelques passages fulgurants. Du Bogle dans le texte :

La mère : "Toutes les Irlandaises que j'ai rencontrées ont toujours été particulièrement hideuses et vous apprendrez avec plaisir que ma mère ne faisait pas exception à la règle. Une grosse roulure, une vieille poufiasse."


Le père : "Renonçant même à la perspective la plus vague de la recherche d'un emploi, il devint un ivrogne talentueux et à plein temps, réalisant ainsi l'espoir de ses plus belles années. Je ne l'en aimai que davantage. Ses humeurs gagnaient en prévisibilité : moins intempérent, il semblait aussi moins désireux de me dérouiller à mort pour un oui ou pour un non. Je sais que je suis dur envers mon père mais je lui dois si peu de choses. D'ailleurs, ce que ce bâtard d'Irlandais me donna jamais fut mon nom ridicule, mon nom brillant."


Le quartier : "Turf Lodge était un gros tas de merde, mais ce fut un endroit merveilleux pour les événements de mon enfance. De nombreux individus dignes de foi ont déclaré que, plus lépreux et plus mortel était l'environnement de l'enfance, plus grand le génie à l'âge adulte. Je me considère moi-même comme l'illustration parfaite de cette théorie."

L'amour : "L'amour est la cape de soie qui masque la lévitation animale du pénis."


Les cigarettes : "J'en grillais quatre-vingts par jour quand j'avais de la thune. Souvent plus. Poumonnement parlant, j'étais tout macadam. J'avais l'haleine sulfureuse, ma langue empestait les algues putrescentes et les égouts de la plage, j'avais le ventre plaqué cuivre. La fumée constituait mon habitat naturel et mon principal aliment. L'air frais me faisait vomir, l'oxygène me flanquait une migraine carabinée que seule la nicotine parvenait à calmer. Un quart d'heure sans clope et je grimpais aux murs. Une année, j'ai quasiment financé à moi tout seul l'équipe de cricket d'Essex Country!"


Le conflit en Irlande du Nord : "Les catholiques d'Ulster constituaient peut-être une bande atterrante de poivrots, de bon à rien et d'analphabètes, qui battaient leurs femmes, mais on découvrit bientôt qu'en dehors de mettre en cloque et à répétition leurs horribles harpies au point de pulvériser toutes les limites de la décence obstétrique, et en plus de leur talent stupéfiant pour encaisser les coups, ils avaient une troisième corde à leur arc : leur troisième don consistait bien sûr à tuer les gens. Et comment. Peu de peuples font ça mieux."


La vie : "La vie est ainsi : elle aime manifester sa versatilité. C'est ce que j'aime dans la vie : sa frime ostentatoire et sans scrupules."

Les vagabonds : "Les vagabonds sont tout de même bizarres. Ils essaient de rester drapés dans leur dignité le plus longtemps possible. Comportement stupide. Le drap de leur dignité n'est plus qu'une peau de chagrin."


La violence : "Evitant toutes ces altercations prévisibles, je me suis félicité de mon sang-froid (c'est-à-dire de ma lâcheté). En effet, certains soirs il suffit qu'un abruti à la gueule enfarinée me mate trop longtemps pour que je lui saute sur le râble avec des grands moulinets de mes petits poings irlandais. A l'inverse, d'autres soirs je ferai des kilomètres pour éviter la moindre embrouille - plutôt laisser les gens se moquer de moi, m'injurier, me cracher dessus, me palper les couilles ou me péter au nez, que de propulser mon poing vers la chair ennemie. J'appelle ça mes capacités d'adaptation."