mardi 27 janvier 2009

Vu et approuvé/ Slumdog millionnaire

Slumdog millionaire,
Danny Boyle


Génial. Tout simplement génial. C'est la première fois que me vient l'envie d'applaudir à la fin d'une séance de cinéma! L'histoire est épatante : un indien des bidonvilles participe au jeu télévisé Qui veut gagner des millions? où il répond juste à toutes les questions, jusqu'à être en course pour la jackpot : 20 millions de roupies.
Cet analphabète, serveur de thé dans un call center, attire les soupçons et se retrouve au poste de police pour justifier son aisance dans ce jeu. Ce sont alors des flashbacks qui nous mènent dans sa plus petite enfance dans les bidonvilles, dans son errance à travers toute l'Inde, faite de violence, d'injustice, d'exploitation et de rejet. Même si cette histoire est tragique, le ressort comique surgit toujours au bon moment, utilisé à bon escient, comme pour nous dire que la vie est une immense farce.

Les acteurs sont d'un naturel déconcertant, surtout les enfants, adultes haut comme trois pommes, plein d'espièglerie et d'espoir.
La réalisation de Danny Boyle est admirable : les images très léchées et colorées, presque photographiques à certains moments. Il a réussi à trouver l'équilibre entre un rythme effréné dans des courses-poursuites digne des films hollywoodiens ou des ambiances feutrées digne du cinéma d'auteur français. Sauf que c'est jamais chiant!
Comme toujours chez Danny Boyle, la BO est très soignée avec des chansons indiennes modernes qui changent des images d'épinal sur l'Inde. Ne loupez pas cependant après le générique de fin une séquence très bollywoodienne et très divertissante.

L'info en plus : Slumdog millionnaire a déjà remporté quatre Golden globes et un prix décerné par le syndicat des producteurs. Il est donc fortement pressenti pour gagner quelques prix aux Oscars.

jeudi 22 janvier 2009

Lu et desapprouvé/ Un vrai crime pour livre d'enfants

Un vrai crime pour livre d'enfant,
Chloe Hooper

Je vous parlais précédemment d'un garçon de primaire qui disait que "la vérité est une substance flexible". Et bien c'est dans ce roman qu'évolue ce petit génie car sa maîtresse d'école aime beaucoup enseigner la philosophie. Sans remettre en question l'intelligence précoce de certains élèves, j'imagine mal des professeurs de primaire aborder des questions tels que : qu'est-ce qu'un monde parfait? Que serait un monde sans loi? Comment rester fidèle à soi-même? A moins que les petits australiens, puisque c'est là-bas que se situe le roman, soit des Einstein en herbe...Une information contredite par la liste des prix Nobel!
Ce qui m'a plu d'emblée dans ce roman, c'est son titre. Le reste ne fut qu'une suite de déceptions. Mlle Byrne a une aventure avec Thomas, un parent d'élève. Sa femme Veronica assure la promotion d'un livre inspiré d'un fait divers, un meurtre dont le mobile était justement l'adultère. Mlle Byrne, un brin parano, y voit un avertissement de la part de Veronica.
Ce roman lorgne tout à la fois du côté du polar, du roman historique, du conte pour enfant avec une histoire très proche racontée sous trois formes différentes. "Le vertige naît de ce que toutes les pièces s'emboîtent de façon quasi-parfaite" nous dit l'éditeur. Si j'ai ressenti quelques vertiges, c'était sans doute dû à ma somnolence, causée par une impression de tourner vaguement en rond.
Plus embêtant, ce premier roman de Chloe Hooper m'a paru très scolaire mais il est vrai qu'elle l'a écrit à la fin de ses études. J'avais l'impression qu'elle me ressortait ses cours de psychologie de l'enfant, me récitait ses cours d'histoires et m'informait des dernières découvertes qu'elle avait faites à la bibliothèque. Il y a cependant des passages intéressants, notamment sur le caractère insulaire et sur le peuplement de la Tasmanie, un monde à part en Australie.

L'info en plus : Ce roman paru en 2002 a été sélectionné pour le "Orange prize for fiction" qui récompense une femme de n'importe quelle nationalité, ayant écrit un roman en anglais et paru au Royaume-Uni dans l'année. Le prix a été décerné cette année-là à Ann Patchett pour Bel Canto.

mercredi 14 janvier 2009

Lu et approuvé/ Pieux mensonges


Pieux mensonges,
Maile Meloy


Le postulat de ce roman est simple : représenter une famille américaine dans la seconde moitié du XXe siècle. Dans un format aussi court (300 pages) , cela tient d'une gageure et de fait ce roman me laisse un goût d'inachevé.
J'étais pourtant bien happé par l'histoire d'Yvette qui se marie avec Teddy pendant la Seconde Guerre mondiale, juste avant qu'il n'aille sur le front des opérations. Les rapports à distance et l'insidieuse jalousie de son mari pourrissaient ainsi leur couple sans qu'elle le sache. On aurait pu avoir un roman pénétrant les coeurs et disséquant les relations humaines.
Au lieu de ça, on tourne la page et les filles d'Yvette ont déjà 20 ans. On tourne une autre page et l'une essaye désespérément d'être enceinte et l'autre divorce d'un mari trop absent. Bref, on n'a pas le temps de s'attacher aux personnages qui ne sont de toute façon pas attachants, on ne fait qu'effleurer des destins et survoler les problèmes. Pourtant, les Santerre ont de lourds secrets à cacher! Ils se sont éloignés assez largement de la famille modèle américaine à laquelle Yvette et Teddy aspiraient!
Mais ce qui me dérange le plus vers la fin du roman, c'est la présence un peu trop étouffante de Dieu, Il, Lui, le Grand, le Tout Puissant qui revient toutes les deux lignes comme si tout le monde devait se convertir. J'ai l'impression de revivre mon catéchisme! Et surtout de remettre en question son existence par un gamin de 6 ans comme si à cet âge on se posait déjà des questions théologiques et philosophiques! Ceci dit, je suis en train de lire un roman où un garçon de CM1 déclare en classe que : "La vérité est une substance flexible" Sans rire. Et je précise que ce n'est pas de la science-fiction.
Mais pour en revenir à nos moutons, je dirais que ce roman est facile et plaisant à lire, genre équivalent d'un Anna Galvada en France, mais ça casse pas trois pattes à un canard pour rester dans la métaphore animale.

L'info en plus : Il paraît que Philip Roth a dit beaucoup de bien de ce premier roman. Sachant que j'ai déjà égratigné dans ces pages cet auteur, c'est que décidément, je ne suis pas sur la même longueur d'onde que lui. C'est sans doute parce que je ne suis pas considéré comme un auteur majeur de ma génération ;-)

Lu et approuvé/ Le poème pornographe

Le poème pornographe, Michael Turner

C'est une sorte de roman cinématographié qui alterne des synopsis de film, des questions-réponses hors champs, des lettres qui viennent interrompre le récit principal. Un peu compliqué dit comme ça mais très facile à assimiler grâce au talent et fluidité de l'auteur.
Le narrateur répond à des questions d'un Mr Je-sais-tout qui pourrait être au hasard : Dieu, un psychologue, un psycopathe, un flic, un juge, un ami imaginaire qui s'en tient aux faits et devance nos questions. Très astucieux pour couper le rythme du roman, retenir notre attention et basculer sur un autre aspect de la vie du narrateur.

Les lettres viennent de Nettie, l'amie d'enfance du narrateur qui devient sa "sex friend" au fil du temps. Les synopsis viennent du narrateur - appelons-le Mr X puisqu'il n'a pas de nom et tourne des pornos- et décrivent des bouts de sa vie ou des scénarios qu'il a écrits, le bien souvent tenant du fantasme.

On découvre Mr X à 13 ans regardant son premier porno, il vit dans un quartier chic de Vancouver et s'intéresse au cinéma grâce à une prof hors du commun. Nettie et lui traînent près des voies de chemin de fer, découvrent que leur vieux voisin est un pédophile, que leur prof a été renvoyé parce qu'il était homosexuel et s'éveillent à la sexualité.
Plus il grandit, plus il vit des expériences audacieuses que ce soit en consommation de drogues ou de pratiques sexuelles. Il tourne son premier porno presque par hasard, il filme en réalité ses voisins qui font une partie à trois avec leur chien. Pour le projeter et gagner de l'argent, il en vient à fréquenter des gens pas très fréquentables...
Avant de crier au loup, à la débauche ou à la perversion, il faut lire ce livre remarquable pour comprendre le cheminement de cet adolescent banal, atrocement normal et mal dans sa peau. Ce n'est presque pas de sa volonté, juste une suite d'opportunités qui le conduise à agir ainsi. Ce qui est certain, c'est qu'il ne veut pas devenir le meilleur athlète ou élève de l'année comme les petits bourgeois de son quartier.


L'info en plus : Le poème pornographe a été classé pendant plusieurs semaines parmi les dix meilleurs ventes de livre au Canada, le pays de Michael Turner. Il a également reçu le Ethel Wilson Fiction Prize, un prix littéraire remis en Colombie-Britannique, une province canadienne.

vendredi 2 janvier 2009

Lu et approuvé/ Fenêtres sur rue

Fenêtres sur rue,
Jon McGregor

En ce premier jour de l'an 2009, une femme et ses trois enfants sont retrouvés mort dans leur appartement, plusieurs jours semble-t-il après l'heure du décès. Un voisin a cette phrase terrible : "En 2009, on vit tous les uns aux côtés des autres mais on ne se connaît pas." Pourquoi je parle de ce fait divers paru dans les journaux? Parce qu'il me parle justement après la lecture de Fenêtres sur rue.
Jon McGregor dissèque une rue dans une ville d'Angleterre, avec méthode mais à distance. Les hommes et les femmes qui peuplent cet espace sont devenus des numéros ou sont réduits à une caractéristique. Tous des anonymes comme nos voisins que nous croisons sur le palier : on sait peut-être qu'ils ont des enfants, qu'ils écoutent de la musique trop fort, dîne tous les soirs à 20 heures mais on ne prend pas la peine de leur parler, ou si peu. C'est la vie moderne et urbaine!
Dans ce roman, on suit particulièrement la vie d'une jeune femme qui se retrouve enceinte d'une homme avec qui elle a couché une fois à l'enterrement de sa grand-mère. Elle est seule, à telle point que ses conversations téléphoniques se limitent à ses parents et une ancienne amie à qui elle n'a plus grand-chose à dire...Emblématique de l'impossibilité de communiquer dans une société de "surcommunication."
Et puis il y a ce drame, cet accident atrocement banal : un petit garçon jouant sur la chaussée renversé par une voiture! Vu sous tous les angles, sous toutes les coutures, comme si Jon Mc Gregor, caméra au poing, avait pris chaque réaction des figurants ayant assisté à la scène. Ce premier roman est remarquable, original et poétique. L'écriture est à la fois simple et riche. Vivement le deuxième!

L'info en plus : Fenêtres sur rue est le premier roman de Jon McGregor. Il a été sélectionné pour le Booker Prize, un des plus grands prix littéraire, récompensant une oeuvre de langue anglaise et rédigé par un auteur du Commonwealth.

Lu et approuvé/ L'horloge sans aiguilles

L'horloge sans aiguilles,
Carson McCullers


Plus on lit Carson McCullers, plus on a envie de la lire. Malheureusement, l'auteur n'a écrit que quatre romans, un recueil de nouvelles et une pièce de théâtre, alors le stock s'épuise trop vite! Mais ne boudons pas notre plaisir devant ces petites pépites de la littérature!
Dans l'Horloge sans aiguilles, Malone apprend qu'il a une leucémie et qu'il lui reste un an à vivre, lui le petit pharmacien de Milan (Géorgie, USA) qui a fait un mariage sans amour, eu des enfants sans amour et n'a même pas eu le temps de croquer la vie à pleine dent. Il cherche un peu de réconfort dans les paroles de son ami le juge, personnage exécrable s'il en est, sudiste jusqu'au bout des ongles, se divertissant d'un noir aux yeux bleus, lui qui a appartenu au Ku Klux Klan et qui souhaite rétablir l'esclavage dans son pays. Mais le juge a d'autres soucis : non seulement les domestiques noirs réclament un salaire plus élevé mais son petit-fils, la prunelle de ses yeux, se détache de lui et de ses idées, provoquant un fossé générationnel trop grand à combler! Son petit-fils préfère lui la compagnie d'un jeune noir aux yeux bleus fascinant, un orphelin qui recherche une figure maternelle, menteur comme un arracheur de dent.
Chacun cherche un peu de réconfort chez l'autre formant une chaîne qui ne se referma jamais parce que chacun est enfermé ou rejeté dans sa solitude. Mais il n'est pire solitude que celle du face-à-face avec la mort. Carson McCullers le sait bien, elle qui est victime d'une attaque en 1947 qui lui paralyse la moitié du corps et qui meurt d'un cancer 20 ans plus tard.
Ce roman n'est pas que sur le temps d'une vie mais sur le temps de l'histoire avec un grand H, celle qui avance et progresse, balayant des vieux idéaux de blancs conservateurs et proposant un nouvel équilibre du monde. Enfin, on peut toujours espérer...

Lu et approuvé/ La musique du hasard

La musique du hasard,
Paul Auster


Nashe, un pompier de Boston touche le jackpot : un héritage de 200 000 dollars! Il quitte alors son travail pour prendre la route et traverse ainsi l'Amérique de long en large, libre comme l'air. Il mènerait cette vie indéfiniment si son pécule ne diminuait pas fâcheusement. Mais voilà, Nash a besoin d'argent et rencontre Pozzi, un jeune joueur de poker qui est sur un très bon coup. Deux milliardaires fantaisistes l'ont invité dans leur luxueuse demeure pour une partie de carte. Mais peut-on toucher le jackpot deux fois de suite? Paul Auster s'amuse ici à nous prendre à contre-pied : ses personnages prennent des décisions dénués de tout bon sens les précipitant dans des situations inconcevables. Le romancier peut ainsi laisser libre cours à son imagination et nous ficelé un huis-clos oppressant, presque kafkaïen. Le hasard n'y fait pas toujours bien les choses, l'absurde est au détour de chaque page et la vie bascule peu à peu dans une folie bien peu ordinaire. Ce roman me fait un peu penser à Cul-de-sac de Douglas Kennedy où un journaliste décide de tout plaquer pour traverser l'Australie : il subit des aventures improbables et se trouve pris au piège dans un monde qui lui échappe. Mais là où Duglas Kennedy ne donne qu'à divertir, Paul Auster donne davantage à réfléchir.

L'info en plus : La musique du hasard a été adaptée au cinéma par Philippe Haas en 1993.