dimanche 11 mai 2008

Lu et approuvé/Football Factory


Football Factory,
John King

Qu'est-ce que ça fait d'être dans la peau d'un hooligan? Mal, très mal. On en prend plein la figure, c'est normal puisqu'on cherche la castagne. On en ressort avec la nausée car comme tout hooligan qui se respecte, comme tout mafioso qui a son code d'honneur, on est raciste, mysogine, alcoolique et bête comme nos pieds qui nous conduisent aux alentours des stades. Exemple parmi tant d'autres : "La baise, ce n'est jamais que de la baise, et aucune nana ne peut faire le poids avec une virée à Newcastle. Qu'est-ce qu'on préfère, les ramener à la maison et leur mettre un bon coup? Le cul lubrifié à mort, le réservoir bien plein? Et se réveiller demain matin à côté de deux pétasses repues de foutres? Ou bien ouvrir les yeux à Newcastle avec les copains et se mettre à chercher ses connards?"
Au travers de Tom Johnson et ses acolytes, supporters de Chelsea, on découvre une vie quotidienne assommante : mourir d'ennui au travail, boire des pints au pub, tringler des nana bourrées, voir des matchs de football et se cogner dans des bastons mémorables qu'on se raconte et raconte 10 ans après. Une vie misérable pour des personnes exclues du système, représentant une certaine classe ouvrière anglaise qui ne fait pas grand-chose de sa vie, qui ne croit plus en rien, et qui déteste encore plus la police que les immigrés et c'est peu de le dire. Ils sont haineux envers et contre tout, contre tous. Leur seule raison de vivre est une petite virée à Millwall "parce que là-bas, dans le Sud-Est de Londres, c'est toujours du sérieux".
Entre deux bagarres, le narrateur nous distille quelques pensées sur la société anglaise comme ici après avoir éclaté la tête d'un mec dans les toilettes d'un pub parce que tout simplement elle ne lui revenait pas : "Le pauvre chéri, il est tout abîmé, et ses vêtements aussi. Du sang et de la pisse, le grand coktail britannique. Une institution nationale. Je sors et dis aux autres qu'on se trisse, que je viens de me faire un connard de Manch'. On dégage vite fait." De la bêtise humaine à l'état pur.
John King n'a pas son pareil pour nous plonger dans l'esprit de ces gars-là avec un langage cru, décomplexé et très imagé. Il fait monter l'adrénaline comme les jours de match. Il frappe là où ça fait mal. Car ce n'est pas parce qu'on ne veut pas les voir qu'ils n'existent pas. Ils? La honte de l'Angleterre.
L'info en plus : John King a été repéré par l'écrivain écossais Irvine Welsh et on retrouve un même goût pour la provocation et le même intérêt pour les personnes à la dérive. Football Factory est suivi par La Meute et Aux couleurs de l'Angleterre qui forment une trilogie. Ce premier roman a été adapté au cinéma par Nick Love en 2002 et n'est pas sans rappeler la film Hooligans qui traitaient également de ce fléau du football.

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